Elever des enfants en Norvège: à quoi s’attendre?

Quand j’ai eu un enfant en Norvège, je me suis dit que ce pays est le meilleur pour être mère et le meilleur pour élever des enfants. Du moins, c’est ce que les Norvégiens aiment répéter aux étrangers.

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Mais « meilleur » est un concept subjectif, est-ce que « meilleur » est la même chose pour un parent français, indien ou brésilien ? En tant qu’étranger, élever un enfant dans une autre culture et un autre système est en soi un défi, principalement parce que ce n’est pas notre langue maternelle, certains d’entre nous ne parlent pas norvégien ou mal, et ce n’est pas l’éducation que nous avons nous-mêmes reçue. Tout est nouveau, à la fois pour notre enfant et pour nous-mêmes, et pourtant, nous devons tous nous adapter en même temps. Et certains éléments sont plus faciles à adapter que d’autres.

Les joies et les peines d’élever des enfants en Norvège dépendent vraiment de votre style de parentalité et de vos objectifs en termes de vie en Norvège. Voulez-vous vivre ici « pour toujours » ou déménager plus tard et donc devoir réintégrer vos enfants dans un autre système scolaire. Par exemple, pour certains parents, avoir des enfants dans un système scolaire où il n’y a pas de notes avant l’âge de 13 ans est fantastique, cela enlève la pression scolaire, tandis que pour d’autres parents, c’est absurde et portera préjudice aux chances d’accéder à des études supérieures en baissant leur niveau scolaire.

Cet article est basé sur mon expérience et mes observations, mais vous pouvez en avoir une autre, alors partagez et commentez !

  • Un conformisme dérangeant

Les Norvégiens sont incroyablement conformistes dans la plupart des aspects de la vie et de la société, et l’éducation des enfants ne fait pas exception.

Il est attendu que certaines règles et normes sociales soient respectées en Norvège. C’est un moule auquel il faut s’adapter, d’où que vous veniez. vLe « Moule » vous est montré de façon officieuse dès la naissance de l’enfant lorsque vous vous rendez à la station de santé locale (helsestasjon) avec des rdv fixes avec votre enfant. Ils vérifieront toutes sortes de choses importantes pour le système norvégien et encourageront les parents dans cette direction. Par exemple, en Norvège, on encourage les mères à allaiter pendant un an, et la diversification alimentaire est encouragée dès 4 mois avec de la bouillie (grøt) alors qu’en France par exemple on fait la diversification alimentaire à 6 mois avec des légumes cuits. Vous n’êtes pas obligés de suivre ces règles, mais vous êtes déjà dirigé en tant que parent et en tant qu’enfant dans la « bonne » direction.

Les jardins d’enfants (barnehage), où la plupart des enfants vont dès l’âge d’un an, sont le début du véritable moule, où l’on attend des enfants qu’ils commencent la journée à peu près à la même heure chaque matin, mangent à la même heure (11h) la même nourriture que les autres enfants, fassent la sieste à la même heure, mangent à nouveau, jouent dehors, apprennent le norvégien et soient récupérés par leurs parents entre 15h et 16h. On s’attend ensuite à ce qu’ils mangent à nouveau, soient baignés et mis au lit vers 19h.

Si votre enfant fait la sieste deux fois par jour, mange d’autres aliments, va au lit beaucoup plus tard, ou arrive beaucoup plus tard au jardin d’enfant, cela peut poser problème. On vous demandera doucement en tant que parent de vous conformer. « Sånn er det i Norge ». Ils ont aussi des listes de vêtements qu’ils veulent que vous achetiez, même si vous ne pensez pas que c’est nécessaire, vous êtes socialement « obligé » d’accepter leurs règles.

C’est le début de l’aventure conformiste de l’éducation des enfants en Norvège. Cela continue pendant des années et pour chaque activité. Il y a une façon de fêter un anniversaire norvégien pour les enfants, une façon de gérer la maladie des enfants, etc.

  • Le bien-être des enfants est très important

Côté positif, il y a une grande attention portée au bien-être des enfants dans la société norvégienne. Les enfants sont entendus et vus, et leurs sentiments et besoins le sont aussi. Certains peuvent voir cela comme un inconvénient, car cela signifie également que les enfants peuvent diriger toute une famille en fonction de la façon dont vous définissez les limites (et quand vous le faites, vous devez les définir de manière douce).

Il est illégal pour quiconque de maltraiter les enfants en Norvège, que ce soit physiquement, émotionnellement ou sexuellement, et de tels crimes sont sévèrement punis. Cela provient d’une loi de 1987.

Les jardins d’enfants sont fortement subventionnés par l’État et les soins de santé sont gratuits pour les enfants.

L’idée est que, que vos parents soient riches ou pauvres, vous devriez avoir accès au même système de garde et de services de santé.

  • Aucune pression sur les enfants

Austre aspect positif, les enfants doivent « vivre leur enfance » et donc n’ont aucune pression de performance ou même d’apprentissage. Jusqu’à l’âge de 6 ans, les enfants sont au jardin d’enfants, où on leur donne le temps de s’adapter à la vie en communauté, aux règles et à un rythme commun. On leur apprend à jouer ensemble, à résoudre des conflits, à chanter des chansons norvégiennes, et à évoluer à leur propre rythme. Ce qui est très différent pour moi, qui ai traversé un système français strict. Ils n’ont pas besoin d’être propres à 3 ans comme dans le système français, ils peuvent faire la sieste aussi longtemps qu’ils en ont besoin, et on les encourage à être eux-mêmes.

  • Jouer dehors et être indépendant

Les enfants sont fortement encouragés à être dehors pour jouer, à découvrir les choses par eux-mêmes, y compris à grimper dans les arbres et à se salir. Encore une fois, selon votre style de parentalité, retrouver vos enfants avec du sable sur tout le corps et les vêtements tous les jours au printemps peut être quelque chose que vous trouvez super ou très irritant. Dans de nombreux jardins d’enfants, les enfants vont dans la forêt ou dans la nature proche une fois par semaine au moins. Ils doivent porter leur sac à dos avec leur nourriture, leurs vêtements et de l’eau, et marcher sans aide, suivre le groupe, parfois pendant plusieurs heures. Pour les Norvégiens, c’est la meilleure enfance que vous puissiez offrir à vos enfants, car ils vivent le rêve du « friluftsliv ». Être dans la nature, bouger son corps, pas d’écrans, aucune perturbation du monde moderne.

Encore une fois, certains parents peuvent être un peu effrayés de voir leur enfant de 3 ans porter un sac à dos et marcher dans la neige pendant une heure sans aide. Mais les parents norvégiens leur promettront simplement un chocolat chaud lors de la pause.

  • Quand les enfants norvégiens sont malades

Lorsque les enfants sont malades, les parents ont des jours de maladie payés par leur employeur, sans avoir à travailler ces jours-là. De plus, il y a généralement une bonne acceptation de la part des employeurs que cela arrive et que ce n’est la faute de personne.

Beaucoup de parents étrangers se plaignent que leurs enfants ne reçoivent pas les soins de santé nécessaires. Par exemple, parce que leur enfant a besoin d’antibiotiques et que le médecin refuse de les prescrire. La Norvège a une politique très stricte en matière d’antibiotiques : les médecins ne prescriront pas d’antibiotiques sauf en cas de nécessité absolue (c’est-à-dire s’il y a une infection bactérienne). La raison en est que la résistance aux antibiotiques est très étudiée ici, et le système norvégien veut l’éviter autant que possible. Certains médecins sont un peu laxistes et ne testent pas pour les infections bactériennes car ils voient les maladies infantiles comme des maladies nécessaires ne nécessitant pas de médicaments.

Une autre plainte des parents étrangers concerne la fièvre chez les enfants. En Norvège, la fièvre en elle-même n’est pas considérée comme une maladie qui nécessite un traitement. C’est le corps de l’enfant qui réagit, et à moins qu’elle n’atteigne des températures élevées pendant longtemps, ce n’est pas considéré comme une urgence ou même quelque chose à traiter. Il faut attendre que la fièvre tombe. A la limite prendre du paracétamol.

Le problème ici est que, encore une fois, certains médecins et services d’urgence sous-estiment la gravité de la situation, et j’ai entendu une histoire effrayante d’un enfant d’un an qui a failli mourir parce que les infirmières des urgences continuaient de dire « det ordner seg ». C’est un art de les amener à vous prendre au sérieux, ne pas être en colère mais être très insistant.

  • Pression sociale et « Janteloven »

Il y a un concept en anglais, le syndrome des grands coquelicots (Tall poppy syndrom) qui est en norvégien une version de « Janteloven ». Dans un champ de coquelicots, tous au même niveau, le coquelicot qui grandit plus vite que les autres voit sa tête/sa fleur coupée. Ils doivent tous être au même niveau. C’est la même chose pour les enfants en Norvège. Les enfants doivent être traités de la même manière et ne pas être considérés comme trop intelligents, trop riches, ou trop quoi que ce soit.

Je donne une nourriture chaude à mon enfant depuis qu’il est bébé et je refuse la nourriture de pain et de tubes des jardins d’enfants, et c’est une différence qui a à peine été tolérée par des institutions telles que les stations de santé et les jardins d’enfants. La raison ? Ne vous démarquez pas, le système est le même pour tous, et ce moule est rigide. Mon fils émet aussi un désir d’apprendre à lire, mais il n’a pas 6-7 ans, et c’est donc vu comme négativement si je décidais de lui apprendre avant l’heure décidée par le système. Si vous voulez les pousser à l’école pour être bons ou, Dieu nous en préserve, les meilleurs, vous serez regardé de travers par les enseignants et les autres parents.

Mais il y a des classes sociales dans ce pays comme ailleurs et évidemment certaines personnes deviennent chirurgiens et d’autres nettoient les sols, alors comment sommes-nous tous égaux ? Je crois que certains parents des classes aisées poussent leurs enfants, mais de manière subtile et cachée, tout en préservant les apparences de « nous sommes tous les mêmes » attendues par la société norvégienne.

  • La nourriture affligeante donnée aux enfants

Maintenant, mon sujet préféré : la nourriture donnée aux enfants dans ce pays. Il s’agit d’un sujet récurrent pour les groupes de parents étrangers sur les réseaux sociaux, et il est également devenu un sujet pour les parents norvégiens dans les journaux nationaux. Le sujet est le suivant : pourquoi les enfants dans ce pays mangent-ils autant de nourriture industrielle, généralement dans des tubes, pourquoi mangent-ils autant de pain, pourquoi accorde-t-on si peu d’importance à leur donner chaque jour des repas chauds faits maison, avec des légumes et des aliments sains. Pourquoi mangent-ils autant de sucre, et ainsi de suite.

Les jardins d’enfants fournissent entre 5 et 15 repas aux enfants chaque semaine en fonction du plan de repas de votre jardin d’enfants, de la commune dans laquelle vous vivez. Certains jardins d’enfants (une minorité) ont un chef qui fait de la nourriture chaude pour les enfants tous les jours. Certains reçoivent 2 à 3 repas chauds livrés par semaine, et d’autres ne reçoivent qu’un repas chaud par semaine. Le repas chaud peut être une soupe à la tomate lyophilisée ou des crêpes.

Cela signifie que les autres repas sont constitués de « brødmat », qui sont des tranches de pain, avec du « pålegg » (saucisson, fromage, etc.). Certains légumes et fruits sont disponibles, mais pas beaucoup. Une proportion élevée d’enfants norvégiens, dès l’âge de 18 mois, prend des médicaments contre la constipation, et certains s’inquiètent de la quantité de sel et de sucre dans la nourriture servie dans les jardins d’enfants.

Il s’agit d’un sujet tabou en Norvège, car les Norvégiens sont persuadés que ces tubes ont plein de choses bonnes pour les enfants comme le fer et les omega 3. Ils pensent aussi que le pain est très sain, et n’ont pas une approche négative vis-à-vis de la nourriture industrielle.

  • Une société conçue pour les personnes avec des enfants

J’adore vivre en Norvège et je veux élever mes enfants ici, malgré certaines des « peines » que j’ai abordées dans cet article. Pourquoi ? La première raison est que cette société est conçue pour les personnes ayant des enfants. Les employés peuvent partir à une heure normale pour chercher leurs enfants, nous avons des jardins d’enfants subventionnés avec des soins de haute qualité, et les enfants sont heureux. Je ne vis pas à Oslo, et voir les enfants norvégiens jouer dehors et se déplacer librement d’une maison à l’autre, d’un jardin à la rue où ils sont « rois » est un plaisir à regarder.

Un sujet que je n’ai pas abordé ici concerne les écrans. Les enfants norvégiens reçoivent un iPad à 6 ans quand ils commencent à l’école primaire mais ne sont pas trop exposés avant cela par les institutions officielles. Là aussi, un débat national est en cours et de nombreux partis politiques veulent limiter le temps d’écran et ramener les livres à l’école comme la Suède l’a fait.

Quelque chose d’autre qui manque? Commentez ci-dessous !


Commentaires

4 réponses à “Elever des enfants en Norvège: à quoi s’attendre?”

  1. Avatar de Mathilde

    Merci pour cet article et ce retour d’expérience.
    Nous sommes arrivés il y a 2 ans avec des enfants de 14, 12 et 8 ans. Nos enfants ont été scolarisés dans les classes pour apprendre le norvégien. Et ma foi, je suis impressionnée par ce système car en France il n’y a rien de tel pour les enfants qui ne parlent pas le français. Ils ont ensuite basculé dans le système classique et sont ravis du système norvégien car pas de livres pour l’équivalent du primaire et collège (il y en a pour le lycée) et un rythme qui leur permet de faire un tas d’activités extra-scolaires. Nous avons remarqué que ce système scolaire ne pousse pas mais si en tant qu’élève tu t’embêtes car tu as déjà étudié un sujet en France ou compris plus vite, tu demandes à ton prof et il te donne plus à « manger ». Mes enfants adorent.
    Ce qui me choque un peu, c’est le fait qu’il soit mal vu de dire non à son enfant et que c’est à toi l’adulte de satisfaire les désirs de l’enfant. Pour moi, dire non (pour un tas de raisons) fait partie de l’école de la frustration et donc de la vie. On passe plus de temps en tant qu’adulte qu’en tant qu’enfant et les non et frustrations sont monnaie courante.
    Enfin la « matpakke », et bien je comprends pourquoi les copains de mes enfants quand ils sont chez nous, nous regardent bizarrement avec tous les légumes que je sers ( curry, wok, soupe, salades, crudités etc)et que mes enfants mangent sans problème. J’arrive à faire goûter à nos invités un peu de sauce bolognaise maison ou des légumes sautés etc…mais pas beaucoup de succès en dehors des pâtes au ketchup ou des gâteaux et glaces. Pour moi ( ok je bosse dans la restauration) c’est un désastre…
    Toujours est-il que le bilan de ces 2 ans est plus que positif pour nous tous et que nous avons décidé de prendre le meilleur de ces 2 cultures et d’adapter certaines « bizarreries » norvégiennes en les mettant à notre sauce.

  2. […] When I had my baby in Norway, I thought “this country is the best to be a mother, and the best to raise kids”. At least that is what every single Norwegian person I met told me. (To read this article in French, see Elever des enfants en Norvège: à quoi s’attendre) […]

  3. Avatar de Magali Le Bomin
    Magali Le Bomin

    Tout a fait exact comme analyse Lorelou! Ca m’a rappelle de bons souvenirs car maintenant ma fille entre au lycee norvegien l’annee prochaine… Sur ce chemin, vous aurez encore plein de choses amusantes, etranges et frustrantes a decouvrir.
    Une chose que j’adorais au barnehage et a l’ecole primaire. c’est que tout le monde doit etre invite, aux anniversaires, fetes etc. (Meme si avec le recul, c’est un peu stupide car parfois les enfants ne s’entendent pas..). Mais l’accent est vraiment mis pour eviter l’exclusion et le harcelement (mobbing) et developper la bienfaisance humaine. Parcontre, des que l’enfant arrive au college, plus rien de tout ca ni de « controle » par les adultes, et c’est tres fascinant de voir que les enfants (re)deviennent des « loups » les uns envers les autres et oublient bien vite la gentillesse pendant ces annees d’ados, jusqu’au paroxisme des russbuss (sosial selection et sexisme exacerbe..). Comme quoi, ca doit etre naturel chez le jeune humain.. Mais c’est fascinant de voir le contraste. Apres, ils reviennent a peu pres tous des bisounours quand adultes.. 😉

  4. Je biens de lire la l’article que je trouve très bien. En ce qui concerne la partie qui concerne ‘barnehagen’ je suis un peu étonnée – en tant que norvégienne ayant élevé des enfants en France je ne trouve rien de différent à ce qui se passe en France. Il y a des horaires, des heures pour les repas et la sieste comme partout.

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